Documenter par la 3D un site en contexte arctique, entre recherche archéologique, changements environnementaux et enjeux sociaux. L'exemple de Kuukpak, Territoires du Nord-Ouest, Canada.
Rémi Méreuze  1, 2@  , Adam Jarhaus  3@  , Pete Dawson  3@  , Max Friesen, Max Friesen  4@  
1 : Archéologie des Amériques  (ArchAm)  -  Site web
CNRS : UMR8096
Maison Archéologie & Ethnologie, René-Ginouvès 21, allée de l'Université, F-92023, Nanterre Cedex -  France
2 : Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne  (UP1)  -  Site web
Pres Hesam, Université Paris I - Panthéon-Sorbonne
12 place du Panthéon - 75231 Paris Cedex 05 -  France
3 : University of Calgary  -  Site web
2500 University Dr NW Calgary, Alberta, T2N 1N4 -  Canada
4 : Department of Anthropology [University of Toronto]  -  Site web
University of Toronto Department of Anthropology 19 Russell Street, Toronto, ON, M5S 2S2, Canada -  Canada

Fouillé dans le cadre du projet ArcticCHAR, dirigé par Max Friesen de l'Université de Toronto, le site de Kuukpak est situé dans le delta du Mackenzie, à l'extrême nord-ouest du Canada (Friesen 2015). Y sont encore présent les vestiges des maisons d'hiver des Thuléens, les ancêtres des Inuit actuels. Ces maisons étaient principalement constituées de bois et de tourbe et c'est la présence du pergélisol qui a permis la conservation de ces matériaux organiques.

 

La fouille de ce site répond à plusieurs problématiques. La première, assez “classique” dans une démarche archéologique, porte sur la compréhension de l'occupation d'un site majeur du delta aux périodes thuléennes tardives (entre le XVIe et le XVIIe siècle de notre ère).

Les autres portent, d'une part, sur le fait que les Inuvialuit (les Inuit du delta du Mackenzie) vivent encore dans la région et qu'il faut valoriser et rendre accessible ce patrimoine dans un contexte politique et social fragile (Lyons et al. 2010). D'autre part, avec le réchauffement climatique, le pergélisol disparaît (Friesen 2015). Les matériaux organiques (donc l'essentiel des vestiges archéologiques des ancêtres des Inuvialuit) se dégradent continuellement et, surtout, la disparition de ce sous-sol gelé provoque l'inexorable érosion de ces sites côtiers ou en bordure de fleuve, celle-ci pouvant atteindre plusieurs mètres par an.

 

Dans ce contexte souvent difficile, la 3D est utilisée selon ces différents enjeux et les contraintes d'un terrain arctique.

Dans un temps et avec des moyens limités, il nous faut enregistrer les différents niveaux de fouille et suivre les effondrements de la charpente de la maison mise au jour.

Parallèlement, la 3D permet de conserver un maximum d'informations sur des sites qui seront rapidement détruits par l'érosion.

Enfin, ces sites souvent inaccessibles (s'y rendre demandant plusieurs heures de bateau ou l'utilisation d'un hélicoptère) sont désormais visualisables par les populations locales.

 

Les techniques employées sont multiples.

L'enregistrement des étapes de fouille successives est fait grâce à la photogrammétrie. Nécessitant des moyens légers (uniquement un appareil photographique sur le terrain), cette technique est la plus pratique pour enregistrer fréquemment et rapidement les zones fouillées et les éléments mis au jour.

 

L'équipe de Pete Dawson, de l'Université de Calgary, utilise, quant à elle, la scannérisation laser dans le cadre d'un programme plus large portant sur la création d'une base données patrimoniale afin de référencer les sites archéologiques autochtones avec des modèles de haute résolution des structures fouillées dans l'Arctique nord-américain (Dawson et al. 2009).

La confrontation de ces différentes techniques d'acquisition 3D utilisées pour des objectifs variables mais complémentaires ont été employées sur le site de Kuukpak, offrant ainsi des données fiables et solides et adaptées aux différentes problématiques liées au projet.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

Dawson, Peter, C., R. M. Levy, G. Oetelaar, C. Arnold, D. Lacroix & G. Mackay (2009), « Documenting Mackenzie Inuit Architecture Using 3D Laser Scanning », Alaska Journal of Anthropology, 7(2) : 29-44.

 

Friesen, Max, T. (2015), « The Arctic CHAR Project: Climate Change Impacts on the Inuvialuit Archaeological Record », Les nouvelles de l'archéologie, 141 : 31-37.


Lyons, Natachaa, P. C. Dawson, M. Walls; D. Uluadluak, L. Angalik, M. Kalluak, P. Kigusiutuak, L. Kiniksi, J. Karetak, L. Suluk (2010), « Person, Place, Memory, Thing: How Inuit Elders are Informing Archaeological Practice in the Canadian North. » Canadian Journal of Archaeology, 34(1) : 1-31.


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